Tous les jours, il la regarde passer. Elle, celle sur qui il fantasme ponctuellement... à la même heure... Cette jeune femme pleine d'assurance, qui pavane dans la rue la tête haute. Perchée sur ses talons aiguilles, la démarche assurée. Pourtant, elle se débat dans le chaos de cette ville en ruine... Période d'après guerre... Période actuelle pourtant, témoignant de la technologie et l'essort de notre socièté. Celui de devoir tout posséder, tout contrôler... Avoir la meilleure image possible... Cette ville essayant de devenir grande... Cette femme luttant dans la terre et le gravier, combattant les trous et bosses s'interposant sur son chemin... Cette douleur pour paraitre grande elle aussi, le paraitre...
Elle contrôlait tout de son apparence, il l'admirait pour cela. Imaginant sa vie... Son tailleur lui faisait supposer qu'elle devait être secrétaire... Toujours élégante, cheveux parfaitement lisses, ou attachés soigneusement... D'un noir profond... Parfois il sentait l'effluve de son parfum, celui de ses cheveux, de son corps... S'imaginant être avec elle, près d'elle... Découvrir ce qu'il imaginait chaque jour, la douceur de sa peau, le frémissement de son corps à son contact...
Il se demandait si un homme était à l'origine de sa beauté... Il y avait forcément un homme... Il s'interrogeait sur celui, qui chaque soir s'endormait près d'elle, celui qui la touchait... la caressait... lui faisait l'amour...
Il ne pouvait s'empêcher d'imaginer ce genre de scène...
Scènes charnelles, calines et coquines... Scènes qu'il ne vivrait certainement jamais avec elle...
Souvent, il avait essayé de l'aborder mais elle ne le voyait pas, bien trop occupée par sa vie, bien trop amoureuse peut-être...
Elle le tétanisait, jamais il n'avait eu le courage de lui adresser la parole, bien trop impressionné par son assurance... Bien trop impressionné par son physique qu'il trouvait parfait... Son physique latin et torride...
Ses formes... Formes qui hantaient ses nuits...
Car c'était le mot... Elle était devenue le fantôme de ses nuits agitées...
Cette brune incendiaire, de taille moyenne, aux grands yeux noirs... Ses grands yeux noirs qui croisent les siens chaque jour... Sans qu'elle s'en rende compte... Pour elle, il n'existe pas... Elle ne voit meme pas son regard qui la parcoure à chaque fois, essayant de deviner ce qui se cache sous ses vêtements étriqués...
Chaque jour à dévorer son corps avec désir... La finesse de sa taille, l'importance de ses seins, la féminité de ses courbes...
Aujourd'hui, elle passe encore... Son coeur s'accélère... Tambourine dans sa poitrine... A en exploser...
Son moment préféré de la journée... Où, elle rentre chez elle... Le pas pressé...Cette apparition dont il se délecte...
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Ce soir encore, je pousse la porte de chez moi, pressée de sortir mon chien... Comme tous les soirs...
Je n'ai aucune hâte de rentrer, vu ce qui m'attend à la maison. Pourtant, je n'ai pas le choix...
J'ouvre la porte, il est là... Il y a du monde aussi... Ces personnes, qui, depuis quelques mois sont devenues mes soupapes de décompression... Personnes qui sont également des pièces sécurisantes du puzzle de ma vie...
Ce puzzle dans lequel je suis perdue... Ne voyant plus l'issue... A me debattre pour m'en sortir... Sans résultats...
Je pousse la porte de la salle de bain, soulagée... Le seul endroit qu'il me reste... Le seul endroit, où j'ai encore à l'heure actuelle, la sensation de contrôler les choses...
Je m'inspecte, fatiguée, épuisée même... Moi aussi je sors d'une guerre... C'est l'impression que je donne du moins... Le corps, le coeur et l'esprit dévastés par la "Bombe will"...
Bombe ne m'ayant pas ratée... Bombe ayant explosée, par hasard, dans ma vie... Simplement parce qu'il fallait que je prouve que, non "Le bel inconnu" ne m'avait pas brisée... Bombe ayant fait imploser mon esprit suffisament torturé déja...
Je fais couler l'eau... Me plonge sous la douche... Le bien être de cette multitude de perles se déposant et ruisselant sur mon corps abîmé...
Toutes ces gouttes s'écrasant sur mon visage... Remplaçant toutes mes larmes qui ne coulent plus depuis bien longtemps...
Je m'aperçois alors, entourée de la brume de chaleur sillonnant la pièce... Les yeux embués, et noircis par le maquillage qui coule et ruisselle lui aussi sur mon visage...
Tous les apparâts ôtés, il ne reste plus que moi, cette femme fragile qui attend le moment de s'échapper...
L'apparence n'est qu'une illusion... Oui, une douce illusion...